Un embouteillage singulier sur une voie verte. Rollers,skate,calèche, Nike neuf,bicyclette et j’en oublie un encore…
L’avis des lecteurs d’Atramenta
La voie Héraclès
— Ahrr ! Au secours ! Elle va nous écrabouiller, nous disloquer, nous hacher menu ! Qu’il a gueulé le Lulu !
— Mais arrête-toi ! Tu vas nous faire remarquer !
Et de se tortiller, le con. Faut dire que la manche avait donné. Vingt euros ! Je te dis pas !
Lulu, il s’était acheté une Bioterra, qu’il disait dans le coin. Un vin bio de la voie Héraclès et qu’il était bon, non de dieu !
On s’en était allés sur la voie du héros en chantant et les oiseaux aussi. Il y avait des fleurs plein l’herbe tendre sur les bas côtés pour danser avec nous. Il faisait doux en ce jour de pâque, mais sûr qu’avec le Bioterra, on avait chaud et Lulu surtout, plein comme une huître.
C’est en traversant une petite voie goudronnée que soudain le drame s’est produit. Enfin, je dis le drame…
Lulu, il l’a pas vue arriver avec son skateboard, le gamin. Il l’a pris en pleine poire, le machin à roulette et le petit jeune aussi. Quand je dis petit, un gosse de quatorze ans de nos jours, ça nous fait du mètre quatre-vingts et quatre-vingts kilos. C’était pas ses dreadlocks qui pesaient le plus lourd. Oh que non ! la vache !
Mon Lulu sonné, le hippie juvénile dans le décor et moi dans le fossé avec la Bioterra sauvé, c’était déjà ça. Mais je vous dis pas ! L’attroupement !
Un bébé dans une poussette, des nanas en roller et des cyclistes bardés de pub pour faire pro. Ils nous sont tous tombés dessus.
— ça ira pépé ? Qu’ils disaient.
Pépé… J’avais perdu mon dentier dans la collision.
Et lulu qui gueulait en se tortillant dans le fossé !
— Attention, il peut en arriver une autre !
Déjà deux attelages attendaient et les chevaux piaffaient à l’écoute de ses vociférations.
Les dames avaient de l’allure dans la voiture hippomobile, c’est comme ça qu’on dit. Ça changeait des sportives moites qui s’agglutinaient pour voir mon pote qui faisait le spectacle. Quatre femmes superbes, huit lolos collés au maillot rien que pour lui.
— Je suis médecin, qu’une a dit, faite un peu de place !
Des gouttes de sueur tombaient de son décolleté. C’est ça qui a dû l’apaiser, le Lulu, et il a pu s’expliquer.
— Elle était énorme et crachait feu et fumée ! Sans blague ! je l’ai pas vu venir.
Le gamin en dreadlocks avait retrouvé son joint perdu dans la collision et moi je me suis bu une gorgée de Terra.
Voilà qu’un tracteur, un type en trottinette et trois cavaliers sont venus grossir la troupe.
Vous en vouliez des moyens de transport !
— Mais monsieur, qu’avait vous vu exactement !
— Ben, la loco ! Énorme ! Qu’il a dit le Lulu ! Une Pacific ! J’avais eu la même à Noël quand j’étais môme. Cent tonnes faciles en vrai !
Ouais, du quatorze degrés, le Bioterra facile aussi, que je me suis pensé..
La toubib a aidé lulu à s’asseoir sur le côté pour laisser aller la diligence et ses percherons sous l’œil goguenard de ses dames de la haute, puis vélo, roller, trottinette et poussette ont défilé. Le Skateur cannabique nous a salués à pied, un genou pas joli.
Un vieux panneau de signalisation ferroviaire indiquait pourtant bien un passage non gardé, que j’ai remarqué en passant.
Le paysan sur son tracteur nous a regardé hilare puis m’a crié :
— Cette voie verte qui va de Nîmes à Sommières est une ancienne voie ferrée, si ça se trouve c’est une loco fantôme qu’il a vu votre copain !
Mon Lulu s’est relevé enfin. Il s’est pris une rincée de merlot puis en allongeant le cou de droite à gauche :
— Avant, t’avais marqué : Attention ! Un train peu en cacher un autre, faut faire gaffe. Et il est parti titubant
— C’est un jour de pâque beau, hein mon Lulu que je lui ai dit. Il m’a répondu en chantant :
— Oh ! mon bateau ! Ho ! ! ho ho ! C’est le plus beau des bateaux !
Haï ! Que j’ai pensé, d’ici qu’il nous déniche un requin à présent !