Un face à face entre un médecin et son patient atteint d’une souffrance bien mystérieuse…
La salle d’attente était pleine. La rentrée des classes avait concentré soudainement ces saloperies de virus à morve au nez et fièvre explosive fugace. Les mamans apeurées veillaient sur leurs marmots aux visages rouges et vultueux. Calfeutrés dans des bonnets enfoncés jusqu’aux yeux et trois couches de laine diverses et variés sous un anorak, les pauvres gosses vagissaient un peu plus à chaque degré de température corporelle gagné.
C’était un temps où les antibiotiques étaient obligatoires pour la pérennité du cabinet médical et la bonne marche de quelques grands labos pharmaceutiques. Pourtant, le Docteur Marlin le dirait dix ou quinze fois dans la journée :
— C’est un virus. Déshabillez votre enfant, un peu de sérum physiologique dans le nez et du paracétamol si la température demeure malgré l’effeuillage. On se téléphone si la fièvre persiste ou si le petit a mal quelque part.
— Oui, mais…
— Non ! Madame Michue, pas d’antibiotique, il n’a pas d’angine ni d’otite ni de méningite !
En tout cas pas encore, pensait le docteur Marlin qui n’avait vu mourir qu’un enfant de méningite en trente ans d’exercice. Un de trop… Fallait rester vigilant dans cette marée de bambins fébriles.
La salle d’attente était pleine, oui, et ça toussait et ça crachait ! De quoi alimenter les réservoirs de virus des petits frères et grandes sœurs des morveux fébriles qui foutaient le bordel dans les revues étalées sur une table basse et dans les toilettes.
Au milieu du bocal à miasmes, un homme, le nez dans son magazine allait rater son tour sans la vigilance du Médecin.
Guy Ravier, quarante ans et son éternel sourire aux lèvres même quand il venait pour une otite ou une rage de dents. Ça faisait un bail qu’il ne l’avait pas vu. Il n’avait rien perdu de sa bonne humeur, malgré son « accident vasculaire cérébral transitoire », qu’on lui avait dit à l’hôpital !
— Enfin, transitoire, docteur, pas tout à fait…