Page volante

Tu habites où, toi ?

J’avais avant, la furieuse envie de répondre, de clamer enthousiaste, mon village, mon département, ma région de naissance, son soleil radieux, la méditerranée si proche et les cigales assourdissantes. C’était bon de lire l’envie dans les yeux d’un Parisien ou de n’importe quel quidam pâle de peau venant du nord de la France ou du Massif central. Même si la montagne comme les plats pays ont leur charme. Ne serait-ce que celui de l’humilité et de la bienveillance…

Pourtant internationaliste, quand je parlais de mon « pais » de naissance, je m’adonnais, puéril, au chauvinisme du terroir.

Oui, mais ça, c’était avant que nos cieux si bleus deviennent Marine, et le soleil radieux, de plomb.

C’était avant que les sourires de mes semblables du midi deviennent méprisants envers tout ce qui est étranger, pire à tout ce qui est épiderme plus foncé que le leur.

C’était avant que le pastis n’inspire qu’éructations xénophobes dans les bistros des bourgs de la périphérie de Nîmes.

Que la “bouvine” ne devienne qu’une culture identitaire réservée aux mâles chrétiens.

C’était avant que l’haleine fraîche, thyms ou lavande, de mes semblables n’empeste la haine du pauvre, la merde raciste et homophobe.

C’était avant que les caméras de vidéosurveillance ne fleurissent sur les places et que certains de mes semblables ne s’investissent dans le flicage de leurs propres voisins.

C’était avant que mon village n’élise pour la deuxième fois un député d’extrême droite. Un député, travail, famille, patrie, police et son parfum dégueulasse testostéroné qui va avec, d’autorité et de patriarcat mêlé.

C’était avant que la peste guerrière nationaliste pollue mon beau Pais du Midi. Avant que mon département ne se couvre d’une tenue de camouflage vert-de-gris pour paraître au palais Bourbon.