Oyez, oyez ! braves gens !
C’est ici le théâtre !
Les comédiens sont là !
Près de vous sur la scène
Morts de rire à en pleurer.
Ils sont là ! Vous dis-je.
Derrière le décor.
Morts de peur aussi quand ils débutent et se disent :
— Vais-je oser ce costume et dévêtir mon âme ?
Alors même que vous les détaillez…
Moi le tout petit si timide…
Toi l’adolescent trop grêle,
Et toi jeune fille ! Un peu trop là, ou pas assez ici…
Et ce point noir affreux qui fait de ton nez une affiche,
Où se lit :
Je suis mal dans ma peau…
Précisément !
Cette peau, tu en changeras.
Tu l’ôteras sur la scène et feras de disgrâces des attraits.
Et de la peur, un trac, comme un trouble amoureux
Quand le cœur danse au premier baiser.
Avant que le rideau ne se lève…
Plus tard tu seras autre au gré du caprice des mots,
Tour à tour vilain canard ou cygne blanc
Maîtresse ou maman, tueur fou ou gendre doux.
Être ou ne pas être !
Homme ou femme aussi !
Rien ne fera plus obstacle à défier les codes
Pour te sentir libre et léger.
Tu livreras ta belle personne,
Princesse cachée ou fier étranger.
Tu vas jouer la vie.
Jouer et encore jouer !
Faire de fictions apparence de vrai.
Être tout à la fois maître et partenaire.
Mais il faudra peiner,
Le jeu est de jouer juste.
D’italienne en allemande jamais à la hussarde,
Se jouer des longues tirades,
Everest rétif à la mémoire,
De celles qui dansent sous les rimes
Qui pleurent en alexandrin
Qui rient en vieux français
Ou éructent l’argot comme une langue noble.
Quand le rideau tombera tu sauras qui te chérit.
Tu saisiras les sourires de ceux qui t’aiment, mais aussi d’inconnus.
Sous les vivats et les cris,
Tu serreras sur ton cœur
Le tribut d’heures de jeux dans ces instants de joie.
Le théâtre, parenthèse sans écrans.
Spectacle tactile sans table de montage !
Toi, moi, la scène et vous,
Vivant !
Oyez, oyez braves gens !
Éteignez vos portables !
C’est ici qu’on apprend à jouer,
À faire semblant de marivauder,
À paraître gai tout en faisant pleurer
Que l’on soit moche ou beau,
Sous le fard qu’importe .
Noir, lumière, décor, musique.
Tout ne sera plus qu’illusion !
Jouer ! Jouer !
Et encore se jouer de tout ce qui fait grimace !
Pour porter sourire !
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